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Portrait de leader

Un rêve d'humanité

Photo : Michel Caron

28 août 2008

Mathieu Courchesne

Pour Vincent Echavé, être médecin n'est pas qu'une profession, c'est une vocation. «J'ai toujours senti le besoin d'aller vers l'autre, explique-t-il. Dès mon plus jeune âge, je voulais aider les gens qui souffrent. La médecine m'a permis de réaliser ce rêve.» C'est justement ce désir d'humanité qui l'a poussé à sortir de sa zone de confort pour venir en aide aux populations du tiers monde.

Vincent Echavé est né à Cuba. Durant sa jeunesse, il a vite pris conscience des injustices qui existaient dans son pays. «Je me rappelle avoir participé à des campagnes antiparasitaires dans les campagnes cubaines, raconte-t-il. Ça me révoltait de constater cette différence entre les gens de la ville et ceux de la campagne, entre les riches et les pauvres.» Dès ce moment, Vincent Echavé a su qu'il voulait consacrer sa vie à aider les plus démunis.

Après avoir fait des études de médecine en Espagne et avoir débuté sa formation chirurgicale en Suisse, il a immigré au Québec en 1969. «Mon père me parlait toujours du Québec, se rappelle-t-il. Plus jeune, il était venu étudier le français ici. Un de ses professeurs était le frère Marie-Victorin. Mon père le connaissait bien. À l'âge de trois ans, j'étais assis sur les genoux de mon père et Marie-Victorin était à côté de moi. Quand est venu le temps de choisir un endroit pour poursuivre ma formation chirurgicale, j'ai donc choisi le Québec et je ne l'ai jamais regretté.»

En 1979, Vincent Echavé a commencé sa carrière à l'Université de Sherbrooke et au CHUS comme professeur de chirurgie et chirurgien général, thoracique et vasculaire. «J'ai fait toute ma carrière ici, précise-t-il. Nous devons être fiers de notre hôpital et de notre faculté de médecine. C'est un grand honneur d'avoir travaillé ici.»

S'engager ici… et ailleurs

Vincent Echavé a toujours considéré que sa profession dépassait, et de loin, le simple geste technique. Pour lui, la médecine a toujours été une question d'engagement. «Un médecin doit être engagé avec ses patients, dans son milieu de travail, dans la société où il habite et dans les pays du tiers monde», explique-t-il.

Très tôt dans sa carrière, il a décidé de se servir de la médecine pour réaliser son rêve d'aider l'humanité. Il a donc commencé à faire de la médecine humanitaire dans des zones de guerre avec l'organisation Médecins sans frontières. Jusqu'à maintenant, il a voyagé dans une vingtaine de pays où il en a vu de toutes les couleurs. «Là où il y a la guerre, la santé est hautement compromise, dit-il. Dans certains pays, les enfants meurent de maladies qui, ici, sont facilement traitables. J'ai senti que c'est là que je devais apporter mon soutien.»

Vincent Echavé n'a jamais hésité à se rendre dans ces zones, même si les conditions de travail étaient difficiles, voire dangereuses. On est loin du confort qu'offre le CHUS. «Les installations dans ces pays sont souvent désuètes, raconte-t-il. Au Congo, nous avions improvisé un hôpital de fortune dans un ancien marché. Dans la plupart des hôpitaux où j'ai travaillé, il n'y avait qu'un seul thermomètre. Il faut donc avoir un bon instinct et un bon sens de la débrouillardise.»

Au Darfour, le professeur Echavé a été témoin de situations éprouvantes. «J'avais rarement vu des gens comme ça, raconte-t-il. Ils avaient tout perdu. J'ai vu des êtres humains qui vivent sans rien, absolument rien.» Il a également perdu de nombreux patients en raison du mauvais état des hôpitaux étrangers. «C'est terriblement frustrant parce qu'on se dit que si on était au Québec, ils auraient pu être sauvés», explique-t-il.

Malgré toutes ces difficultés, il n'a jamais abandonné les populations du tiers monde. «C'est certain qu'il y a des moments de grandes peines, précise-t-il. On se dit alors que si on n'était pas là, la situation serait bien pire. Ce serait un vrai désastre.»

Lorsqu'il est de retour au Québec, Vincent Echavé démontre le même dévouement envers ses patients. Il se fait un devoir de venir les visiter pratiquement tous les jours. «Le contact entre un médecin et ses patients est très important, explique-t-il. Ça va au-delà de l'intervention chirurgicale. C'est d'abord et avant tout un contact humain.»

Former la relève

En plus de se dévouer auprès de ses patients ici et ailleurs, Vincent Echavé continue d'enseigner la médecine. «Je pense que l'enseignement est très important, affirme-t-il. Il faut transmettre nos connaissances, notre savoir et nos expériences. Le contact avec les étudiants fait partie de ma vocation aussi.»

C'est pourquoi Vincent Echavé enseigne également pour une organisation appelée le Réseau canadien de chirurgie internationale. Récemment, il est allé au Mali pour enseigner les techniques de base en chirurgie aux résidents de l'Université de Bamako.

Bien que toutes ces tâches prennent beaucoup de son temps, il n'hésite pas à servir la société qui l'a accueillie, le Québec. À la demande du ministère de la Santé et des Services sociaux, il dirige maintenant un comité qui se penche sur la question des médecins étrangers. «Nous tentons de voir comment nous pouvons intégrer les médecins étrangers sans perdre la qualité des soins québécois», explique-t-il.

Un nom qui passera à l'histoire

Le formidable travail de Vincent Echavé est aujourd'hui bien reconnu dans le monde médical canadien. L'Association médicale canadienne lui a récemment remis le prix Frederick Newton-Gisborne Starr, la plus haute distinction que cette association puisse donner à l'un de ses membres. Au total, 43 personnes l'ont reçu au Canada dont plusieurs grands noms de la médecine comme Frederick Banting ou Lucille Teasdale.

Malgré tout, le récipiendaire reste modeste. «Je suis très honoré, explique-t-il. Mais je tiens à partager ce prix avec toutes ces populations que j'ai aidées et qui sont sans voix. Elles méritent aussi de se faire entendre.»

Et qu'arrivera-t-il maintenant? Chose certaine, Vincent Echavé n'a pas l'intention de voir son rêve s'arrêter. Même s'il prévoit prendre sa retraite dans les prochains mois, il espère continuer sa mission humanitaire et faire d'autres voyages. «Mon fils, Pablo, est médecin. Il sera officiellement anesthésiste au CHUS à partir du mois d'octobre. Ainsi, il pourra me remplacer et mon nom restera ici», conclut-il, les yeux remplis de fierté.